[21] La vie doit continuer... tant bien que mal.
Rebondir, pour aller plus haut... un nouveau chapitre commence.
Rebondir, pour aller plus haut... un nouveau chapitre commence.
Ma maman chérie est morte aujourd'hui, à 12h15.
D'après les religieux, mourir un vendredi avant le Shabbat fait d'elle une "Tsadika", une sainte. Le ciel s'ouvrira devant elle sans passer par le jugement divin.
Cela a été à la fois foudroyant, invisible, et imprévisible.
En 24 heures, elle a développé une sorte de coma progressif et elle répondait de moins en moins aux stimulis.
Hypoxie cérébrale lente et dévastatrice...
La nuit à été atroce. Insupportable de voir cette lente descente aux enfers... Quand je pense, la pauvre, à cette envie presque impossible de respirer... A la fin, elle recevait 15l/minute d'oxygène... elle cherchait son air, son corps se battait pour survivre... vision terrible. Cauchemardesque pour un fils. J'ai eu peur que cette souffrance se prolonge des jours, mais finalement, son coeur l'a soulagé assez rapidement...
Je ne détaillerais pas cette nuit dévastratrice ici, tant les images et le ressenti est indescriptible...
Maman a été enterrée vers 16h00 au cimetière de Netanya.
Les visions fugaces de son cadavre me marqueront à vie...
Je lui ai beaucoup parlé quand il semblait lui rester un éclair de lucidité. Je crois qu'elle m'a compris, malgré ses yeux fixes. Et je crois qu'elle a entendu tout l'amour que j'avais pour elle alors qu'elle s'éloignait de moi...
Au Revoir, maman.
Reposes-toi maintenant. Tu as assez souffert comme ça.
Et si de là-haut tu me regardes, tu sais que tu continue de vivre à travers ma tête et mon coeur.
Jusqu'au dernier jour...
Voilà, elle est dans le coma. A 2 jours de sa 60eme bougie.
Elle a commencé à perdre progressivement la raison hier. Manque d'oxygène dans le cerveau. Je ne pensais pas que ca se passerait comme ça.
Elle ne réagit plus. Ses mains sont froides. Ses yeux mi-clos. La bouche grande ouverte dans le masque qui balance 15 litres d'oxygène. Méconnaissable, elle qui était si belle.
Encore quelques heures. Un jour peut-être.
24 heures que je n'ai pas dormi, et que je la veille.
Je suis dévasté.
Maman a été hospitalisée.
Elle a peu dormi, et elle avait beaucoup de mal à respirer.
La Samu locale est venue la chercher. Oxygène, morphine et tout le toutim...
Tous les projets de retour, le Tarceva, tout part en couilles.
Le cancer est monté jusqu'à la trachée. Plus rien à faire, d'après moi.
Elle en a pour quelques jours, 1 mois peut-être d'après les médecins.
Je crois qu'elle ne sortira plus de l'hôpital. A l'extérieur, il fait beaucoup trop chaud. Et à la maison, l'air conditionné vient de tomber en panne. Le maudit appartement veut avoir notre peau, à tous.
La phase terminale est vraiment amorcée, cette fois-ci...
Ce matin, on a piqué ma mère pour une analyse sanguine.
Plus tard, le médecin rappelle alarmé. Bien sur, rien de cohérent ne sort de la bouche de mon père, pour qui les choses médicales sont aussi limpides qu'une flaque de boue séchée.
Il dit juste que c'est très grave et ma mère est déjà toute décomposée. C'est une seconde nature chez mon père : Se plaindre, se faire plaindre, aggraver les choses, exagérer toujours et encore.
J'exige de voir le résultat de l'analyse. Mmm.... Hémoglobine et Globules rouges un peu bas mais surtout... un taux de plaquettes explosif. Le taux normal va de 150 à 400. Maman a 765...
Tout de suite, des souvenirs d'étudiant-infirmier refluent.
Plaquettes... produites lors de lésions internes pour colmater les brèches... quelles lésions internes ? Dues à quoi ? La chimio ? Les cellules cancéreuses ?
Trop de plaquettes, d'où risque de thrombose... donc d'embolie pulmonaire. Solution ? Fluidifier le sang avec des anticoagulants en sous-cutané.
Enfin, j'espère que demain, sa connasse de cancérologue prescrira un truc dans le genre ou bien je lui fais un lavement avec ses putains de cytotoxiques.
Mais dans l'immédiat, ce qui m'inquiète le plus, c'est la dénutrition.
Parce qu'elle n'a aucun appétit et elle est si difficile à satisfaire qu'elle en presque décourageante.
J'y suis encore allé de mon speech sur les besoins caloriques, protéiques, sur les retentissements internes de la sous-alimentation, histoire de la faire bien flipper.
Avec son début d'escarre - sur lequel j'ai posé un pansement à la vaseline - elle doit manger encore plus pour guérir !
En posant le pansement, j'ai vu à quel point sa peau semble parcheminée, sans élasticité, avec la fonte des muscles et des graisses...
Par moments, j'ai l'impression d'avoir entamé mon cursus infirmier (interrompu à 50% du chemin) en prévision de ces moments-là, où le médical l'emporte sur tout le reste.
Pour identifier les risques (par exemple, personne ici n'a prévenu ma mère des risques inhérents à l'alitement prolongé comme la fonte des muscles, la fragilisation osseuse, le risque d'escarre, les phlébites, l'encombrement bronchique, la dépression nerveuse...) et apporter quelques soins, reste de 8 mois de stages dans divers services.
Puisque de toute façon, avec ma sciatique, et le cancer de maman, jamais je n'aurais pu suivre normalement mon cursus de 3 ans sans interruption... A moins que mon expérience clinique récente ne soit qu'une pitoyable coïncidence avec la maladie de maman.
Je n'en sais foutre rien, je sais juste qu'aux yeux de ma mère, ça me rend plus crédible qu'un routier, un VRP, un vitrier ou un homme-canon...
Israël, encore.
Sous la fenêtre de mon lit, il y a une photo agrandie. Mon père, ma mère, ma soeur, Orthal ma première nièce, et ma tête qui dépasse, juchée derrière ce petit monde. Ivine, ma seconde nièce n'était pas encore née. Une des photos les plus récentes, où est réuni mon premier cercle familial. Le cliché à déjà cinq ou six ans. Un vrai moment de bonheur, trop rare pour ma famille éclatée.
Avec le recul, il y a de fortes chances que le cancer de ma mère, soit déjà à l'intérieur de la photo. Si insidieux. Et aujourd’hui, quand je regarde ma mère de l’époque, j’y vois déjà un cadavre qui pose.
Dans toute photo de groupe, il y en a forcément un qui disparait en premier.
C'est horrible de penser comme ça. Encore un jeu pervers de mon esprit tordu.
C'est étrange le pouvoir d’évocation d’une photo, selon qu'elle soit vue en été, en hiver, sur le moment ou 10 ans après. Une photo parait figer un moment d’histoire, alors qu’au fond, ce n’est qu’un point de référence, toujours lié au moment présent.
La photo du grand amour, déclenchera, après la déchirure, une indicible souffrance de l’âme, malgré les sourires éclatants du moment…
J’ai l’impression de frôler la décompensation psychique.
D’avoir 2 pierres encordées aux chevilles et de couler à pic. Jamais je n’ai vécu situation si complexe avec si peu de moyens. J’ignore si c’est le Xanax qui m’aide à tenir le coup, à ne pas disparaitre corps et biens de la circulation, en maudissant le ciel une dernière fois.
Tout s’est déchiré, et se déchire autour de moi.
Avec Marie, il y a eu la dispute de trop, les mots qui blessent, et j'ai brutalement mis un terme à notre relation. Mes affaires dans un garde-meubles à Grenoble, puis direction Israël, depuis le 16 aout. De nouveau, je suis SDF.
Marie n'a pas essayé de sauver les meubles. Elle n'a pas pleuré, et moi non plus je n'ai pas versé une larme. Mais elle me manque énormément. Ce dimanche, je l’imagine toute nue, dans notre lit, avec un autre homme qui l’aura ramonée à fond toute la nuit. Elle l’aura sucée, elle se sera même fait enculer, tirer les cheveux, avant de jouir intensément alors qu’il la baisait debout, en la soulevant par les fesses, contre un mur.
Ce n’est pas les prétendants qui manquent autour d’elle. Et après être sorti de son appart, elle chasse mon souvenir et mon odeur de son vagin et du reste.. Soulagée d’être débarrassée de moi, un mec à problèmes. Soulagée, et heureuse, le rose aux joues.
Blottie contre lui au petit matin.
Ciao Michaël, pauvre looser.
Elle me manque. Sentiment normal quand on a fait corps avec quelqu'un pendant 2 ans.
L'autre devient un organe extra-corporel, une drogue affective, un repère rassurant dans le cours de l'existence.
Mais « c’était fatal ». Marie elle-même me l’a dit. C’est moi qui aie coupé la corde, mais elle était déjà sur le bateau de l’exil.
Marie est un soleil qui ne peut supporter trop longtemps les coups de grisou. Elle a grandi au sein d'une famille unie, heureuse et en bonne santé. Sa tolérance au malheur est limitée. 10 mois de calvaire avec ma sciatique, et la nouvelle du cancer de ma mère qui tombe 15 jours après. Les peurs, les tergiversations infinies de mes parents, mes réactions parfois inadéquates, auront eu raison de nous.
Bien sur, chacun réagit selon sa nature. Et la mienne a tendance à devenir grave, sérieuse et renfermée quand je me sens accablé de problèmes. Un moment, je lui avais dit que je trouvais indécent de prendre du plaisir en France, alors que le crabe bouffait ma mère à 4000 Km de chez moi. L'instant d'après, je lui ai dit que je me sentais enfermé dans mon corps. Que tout me semblait dérisoire, futile, et sans intérêt.
Pas drôle pour elle. Je me mets à sa place.
Le dernier mois, j’ai senti ses sentiments s'éteindre. Ca me rappelait les derniers mois avec Sophie. Agonie du fluide amoureux. Avec Marie, c'était pareil. Elle souriait, mais au final, sa nature parfois explosive a repris le dessus. Des mots blessants, voire idiots. Des trucs du genre, que je semblais tirer une certaine fierté de me démener ainsi pour mes parents. Alors qu’au contraire, j’essayais d’éviter ce sujet douloureux, omniprésent, avec autrui. J'ai trouvé ça d'une stupidité inouïe, et très insultant. Mais surtout, elle m'a dit, après la rupture, que je ne savais pas donner. Le choc d’entendre ça. Ce fut comme une seconde rupture après la première. Ca m'a tué.
N’empêche qu’elle me manque. La connaissant, elle n’est pas du genre à déprimer. Elle va sortir, s’éclater, voire s’envoyer en l’air pour chasser tout ça, le plus vite possible.
Insupportable à imaginer.
Xanax aides-moi.
Si au moins, je pouvais voir des amis, me changer les idées, jouer à des jeux de plateau, voire dragouiller un peu. Mais ici, à Netanya, c’est l’enfer.
Canicule et pollution. Irrespirable pour quelqu'un de normal. Alors pour ma mère...
Je ne connais personne, je parle mal l’hébreu, et le fossé culturel est trop grand.
Sans oublier le paquet de merde que je traine derrière moi.
Et puis je hais profondément cette ville, elle me donne envie de vomir. Depuis que je suis arrivé là, je me gratte partout sur le corps, j’ai choppé la crève et un lumbago.
Et le maudit appartement s’écroule sur lui-même. Je le hais, je le hais, je le hais du plus profond de mes tripes. Entre le mazgane (air conditionné) qui fuit, le bordel des cartons, la saleté accumulée ça-et-là dans l’appart, nous sommes tous sur les nerfs.
Ma mère, surtout, fait une sévère dépression nerveuse. J’ai de plus en plus de mal à la reconnaître.
Elle pleure tous les jours, s’énerve très vite du bordel ambiant, nous sollicite constamment, et bien sur, il faut se battre pour l’obliger à manger. Elle est toujours sous oxygène. Son visage se creuse. Elle fait la navette de la chambre au salon, en faisant parfois un détour par la salle de bains. Elle sort juste le vendredi faire sa chimio, au centre médical. Avant mon départ fin juin, elle pouvait encore marcher – certes - lentement jusqu'à la salle de soins. Maintenant, on la déplace en fauteuil roulant, et mon père lui a acheté une perruque hors-de-prix. Enfin, comme je l’avais prévu, elle développe une escarre sacrée…
Tout cela doit être si dur, si humiliant pour elle... Elle oscille entre l’envie de mourir, et ce désir immédiat de guérir. Ma mère a choppé son cancer pour une triple raison : 40 ans de tabac, une ville excessivement polluée où il fait mal-vivre, et l’éclatement familial. Et, je l’ai déjà dit, c’est une personne qui vibre à l’unisson avec le désespoir, pratiquement incapable de prendre le dessus. J’ai l’impression de la voir régresser à l’état de petite-fille, tant elle est incapable de « s’élever » spirituellement dans ce genre de situation extrême … On a l’impression qu'elle hurle pour ne pas se faire écraser par un train à chaque seconde.
Et depuis que je suis revenu ici, je n'aime pas qui je suis.
Je n'aime pas l'attitude que j'ai avec ma mère.
Je suis plutôt froid et impersonnel.
Peu d'affectivité.
Je ne parviens pas à donner.
Nous revenons tous en France, à Rennes, tous chez ma sœur, courant septembre, et je suis dans les cartons, et la planification à outrance. Mais ce n'est pas une excuse. Je devrais être plus proche d'elle, et pourtant je me sens loin. Oui, je me sens incapable de donner.
Agir dans le concret, oui. Mais la chaleur humaine, j'ai du mal.
Je crois que, si je regarde au fond, je crois que je lui en veux.
Dans mes projets post-adolescents, mon père devait mourir d'une crise cardiaque et ma mère se ratatiner avec les cheveux blancs, en prenant mes enfants sur ses genoux.
Je devais aussi réussir dans la vie, et lui payer des voyages, des restaurants, un peu de shopping.
Elle devait même voir son fils se marier. Une vieillesse veuve, mais heureuse.
Mais je n'ai ni enfants, ni argent, et plus de femme. Mon père est toujours là, fatigué, une cognition défaillante, un genou douloureux, en surpoids, cardiaque, souvent réveillé par ma mère douloureuse, mais vaillant. « Faut pas lâcher le fil » comme il dit. J’aimerais avoir son courage à presque 80 ans, comme lui. Mais je m'attends à tout moment que son coeur malade ne lâche durant cette douloureuse épreuve. Pensez donc. 20 ans d'écart avec sa femme, et elle est bien partie pour sauter dans le 1er wagon...
Alors quelque part, oui, j’en veux à ma mère d'avoir fortement compromis tous ces projets.
Je lui en veux d'avoir fumé pendant 40 ans sans réfléchir aux conséquences.
Je lui en veux de ne pas avoir vendu l'appartement durant des années, pour qu'ils reviennent en France. Tout ça pour une différence de 5000 ou 10000 dollars sur le prix exigé.
Je lui en veux d'avoir participé, par leurs tergiversations infinies avec mon père, au naufrage de mon couple.
Je lui en veux d'être désespérée.
Je lui en veux d'avoir ce putain de cancer à même pas 60 ans.
Il faut que je dépasse toute ça. Parce que c’est injuste, mauvais – mais tellement humain – de penser comme ça.
Honnêtement, j’ai souvent des envies de m’ouvrir le ventre, de prendre mes tripes à pleines mains, de les jeter dans une poubelle, et de tomber comme une poupée de chiffon sur le carrelage, soulagé d’avoir un trou dans le bide.
Mais j’ai pas le choix. Je dois être fort, organisé, endurant. J’ai pas le choix. Sans moi, sans un planificateur, ma famille imploserait.
Et une fois là-bas, en France, ce n’est pas fini. Ma sœur veut absolument quitter Rennes. Fuir le père de sa seconde fille, un zaïrois imprégné de polygamie qui veut garder prise sur elle, après l’avoir abondamment battue. Encore un déménagement à prévoir, un autre conflit sur le feu… destination ? Strasbourg, peut-être, loin de Rennes en tout cas. Encore des soucis sur l’agenda.
Aujourd’hui 2 septembre, avec cette chaleur crasse, les jours me semblent longs, le stress intense. Encore 17 jours avant l’avion.
17 putains de jours, avec ma mère déréglée qui souffre de la chaleur, le souvenir de Marie dans mon ventre, ma grand-mère sans mémoire, mon père sur les nerfs, ma sœur erratique, le chat qui s’est fait la malle, et les deux nièces qu’il faut bien éduquer dans cette ambiance de fous furieux.
Ca gueule, ca crie, ça s’essoufle, ça pleure, ça s’organise, ça craint, ça désespère, ça avance… tenir debout.
Tenir debout, et essayer de tenir la main de maman, qui meure chaque jour, un peu plus vite que nous tous réunis.
Prendre l'avion, dans l'état de maman, est loin d'être une opération de routine.
Après de grandes tergiversations sur les risques encourus, un médecin de la compagnie EL-AL est venu examiner maman pour juger de la faisabilité d'un tel voyage. En effet, l'altitude aérienne est un peu comparable à l'altitude montagneuse et, en théorie, l'oxygène se fait plus rare.
Le médecin a mesuré son taux d'oxygènation sanguin au saturomètre : 91%. Pas fameux. Maman a littérallement peur "d'étouffer" dans le ciel. Toutefois, le médecin n'a pas interdit ce voyage. Simplement, il nécessite la présence d'un médecin auquel on paiera l'aller-retour, une bouteille d'oxygène, du matériel médical d'urgence, et bien sur, des places en first class pour avoir l'espace nécessaire en cas de problème... coût du transit : entre 5000 et 6000 $.
Dans 3-4 jours maximum, maman devrait me donner la réponse définitive.
En attendant, elle est très déprimée, du fait de la disparition mystérieuse de Zoé, son chat. Elle a peur qu'elle soit "tombée" par la fenêtre (ils sont au 5eme) en voulant attraper des pigeons. Moi, j'ai essayé de la consoler un peu en la convainquant que Zoé est une fugueuse, tentée par l'aventure. J'en sais quelque chose puisqu'elle a un peu baroudé avec moi ses premières années...
De mon côté, le meublé que j'ai visité à Aix-les-Bains était vraiment pourri.
Le nouveau plan est le suivant : Si j'ai la confirmation que mes parents viennent, je pars aussitôt à Lyon leur chercher un appartement vide, avant de l'emplir de meubles de première nécessité. Puis j'irai les chercher à Genève avant de les amener dans leur nouveau logis...
Entre-temps, j'ai pu avoir 2 pneumologues qui m'ont dit que le Tarceva n'est pas spécialement indiqué pour le cancer de maman, mais que, ne connaissant pas tous les effets de ce médicament, ils seraient prêts à le lui prescrire...
Mon humeur du moment ? Changeante, plutôt maussade. J'attends avec impatience de revoir maman, et en attendant, je ne suis pas facile à vivre, comme le pense très fortement Marie...
Je vis mal le fait de ne pas être auprès d'elle.
Chaque jour qui passe, est un jour de moins où je peux ressentir sa présence, et entendre sa voix qui m'est si cher.
Chaque jour qui passe, j'ai l'impression de l'abandonner et qu'elle se sent abandonnée.
Chaque jour qui passe, je culpabilise de ne pas lui tenir la main au moins une fois dans la journée.
Parce que maman est de nature si peureuse, maman est si peu combattive face à l'adversité, que le spectre du cancer l'écrase et la fragilise mentalement, comme une petite fille étranglée par un psychopathe. Bien sur, elle est entourée par sa mère, ma soeur, mon père... mais moi, en attendant, je ne suis pas là.
Et il y a finalement très peu de moments dans la journée où je ne pense pas à ça.
Je me trouve face à plusieurs dilemmes. Je n'ai absolument aucune idée du temps qui lui reste à vivre. J'ignore si c'est une question de jours, de semaines, ou de mois.
Mais je suis revenu ici avec le pari qu'elle pouvait encore tenir plusieurs mois. Mais si par malheur, je me trompais, je sens que je porterais cette erreur comme un lourd fardeau sur mon âme. Ne pas avoir été là, jusqu'au bout...
Reste que je suis inutile, et impuissant, là-bas. Je peux juste la regarder mourir. La chaleur et la pollution la font encore plus suffoquer...
Alors qu'ici, peut-être, je peux organiser un sursis...
Le plan de bataille est le suivant : ramener mes parents le plus vite possible dans un meublé, loué jusqu'au 1er novembre et faire suivre médicalement maman dans de meilleures conditions. Entre-temps, recherche d'un nouveau toit pour après le 1er novembre, où nous ramènerons un petit container de meubles d'Israël...
Mardi, j'ai RDV à Aix-les-Bains pour la visite d'un F2 meublé. Si tout va bien, si je le prenais, j'espère que maman sera ici sous deux semaines avec Sugar Bulldozer, pendant que ma soeur reste un peu en Israël avec ma grand-mère.
En attendant, et malgré tous cette pression, j'ai pu un peu "décrocher" en travaillant enfin un peu pour moi, sur mes projets personnels. Ca m'a fait du bien. Cela faisait trop longtemps que je ne parvenais plus à m'occuper que de moi...
J'ai bien mis 3 jours à récupérer de mon retour calamiteux en France.
Et même si je suis heureux de revoir Marie, mon humeur est plutôt morose. J'ai des coups de fils à passer, du monde à voir, des mails à écrire. Mais rien à faire. Pas envie. Pas envie de donner des nouvelles, de toute façon mauvaises.
Maman respire de plus en plus difficilement, et cela devient un véritable exploit de la bouger. Elle n'a envie de rien, elle est dans le "je ne sais pas" permanent, et ne semble pas avoir envie de se battre. J'ai l'impression qu'au fond, elle se laisse mourir. Je ne sais même pas si j'aurais le temps de la ramener ici, en France. En fait, je ne sais même pas si ça vaut le coup étant donné qu'en tant que sabra, elle sera enterrée en Israël. J'ai bien peur que ce voyage en France lui soit aussi pénible qu'inutile.
Elle respire mal, utilise une béquille pour faire quelques pas, et si elle arrivait jusqu'ici, elle se déplacerait forcément à l'aéroport en fauteuil roulant. Sa dignité en prendrait un sacré coup...
Non seulement les difficultés matérielles pour louer une maison ici sont réelles, mais en plus, je ne suis plus sûr de rien. J'ai la sale impression qu'il n'y en a plus pour très longtemps...
Que faire ? Que dois-je faire, mon Dieu ? Je m'en voudrais ad vitam aeternam si je ne tenais pas la promesse que nous allions nous revoir...
Retour Samedi matin à Chambéry, le dos en confettis, et environ 5000$ en cash pour trouver un logement aux parents et convaincre un propriétaire...
Marie a pris sa matinée. A la gare, elle était très jolie dans sa jupe blanche et chemise verte aux allures asiatiques.
je n'aurais jamais cru que je serais de retour moins de 2 semaines après mon départ, moi qui était chargé comme une mule. Mais la vente du maudit appartement a tout changé, et ouvert de nouvelles portes..
Calins, repos, pizza, DVD (Walk the line - très bien), repos, ménage... Ca fait du bien de revenir chez soi.
Dimanche, je profite.
Une grosse semaine m'attend...