[7] Honte et déni

Maman, malgré notre présence à tous, n'a pas le moral. Elle passe, dans la journée, par des moments de pleurs sans larmes où se mêlent l'angoisse et le défaitisme le plus complet.
Le reste du temps, elle surnage dans un déni partiel de la maladie, mais surtout, elle ne veut absolument pas que la "nouvelle" se répande. Personne ne doit savoir qu'elle a un cancer.
Dans cette histoire, je suis celui dont la parole est la plus libre. Autant à mon arrivée, je ne savais pas quoi dire, autant maintenant, je fais tomber les tabous les uns après les autres. J'ai suivi le conseil de Marie qui m'a encouragé à être naturel.

D'accord maman, ta maladie est grave, très grave même, mais on va se battre, et dans ton malheur, tu as de la chance avec la sortie de ce nouveau médicament, le tarceva, qui te fera sûrement gagner du temps et qui sait, entre-temps ils trouveront peut-être autre chose... et puis il y a ce type, à qui on a trouvé en 2003 la même maladie que toi et qui vit encore...

Oui, maman est si peureuse, si fatiguée qu'elle redoute même les effets secondaires des antalgiques. Et puis, je crois que tout simplement, la non-observance thérapeutique est pour elle un moyen de rejeter la maladie, malgré sa respiration sifflante ou ses douleurs à la hanche et l'épaule. Je dois me battre avec elle pour qu'elle se soigne, je dois la pousser, je dois la rendre courageuse. Qui d'autre ? Je suis le seul type au monde en qui elle a entièrement confiance...